Combien de fois me suis-je réveillée en essayant de remettre ensemble les morceaux d’un casse-tête en fouillis dans ma tête? Trop souvent. Je me rappelle encore de ma première expérience de black-out alors que j’étais adolescente. En ouvrant les yeux chez ma meilleure amie après une solide brosse, j’étais ébahie de constater que j’étais en pyjama et que j’avais réussi par miracle à enlever mes verres de contact avant de me coucher complètement saoule. Je me souviens encore du sentiment horrifié que j’avais ressenti quand j’ai demandé au père de mon amie si c’était lui qui m’avait déshabillée… et qu’il a répondu « oui ». Une blague ou la vérité? Mon cerveau ne connaît pas la réponse, hélas, car la cassette a arrêté son enregistrement, faisant disparaître mes souvenirs dans un trou noir…

Quand je prends du recul par rapport à tous mes épisodes d’amnésie fragmentée ou totale, je me rends compte du temps perdu qui ne reviendra jamais. Ces moments ont été noyés dans un trop plein d’alcool, confinés aux oubliettes pour toujours. J’ai vécu des réveils dramatiques, après avoir commis des erreurs que je regrette encore aujourd’hui et d’autres plus anodins que je me questionnais sur les sujets que j’avais discutés en fin de soirée. Difficile de démontrer de l’empathie et de l’écoute à son entourage après une rencontre bien arrosée, quand on ne se rappelle pas la moitié de ce qui a été dit… Encore récemment, ma fille de 11 ans me testait en me donnant ce genre de défi : « Maman, il faut que tu te souviennes demain de ce mot là… girafe ». Évidemment, vous avez compris que le mot changeait à chaque période alcoolisée. Si j’étais chanceuse, ce qui n’arrivait pas trop souvent, je réussissais à le sortir des catacombes de mon cerveau le lendemain à la grande surprise de ma fille.

Pourtant, aux dires de mes proches, je semblais consciente et je parlais – probablement de façon moins cohérente qu’à jeun – mais le lendemain, l’alcool avait tout effacé, ou plutôt rien enregistré. Que s’était-il passé?

Selon les scientifiques, l’alcool rend certaines régions cérébrales dysfonctionnelles et entraîne des pertes de mémoire lorsque consommé en trop grande quantité ou trop rapidement. Cette forme d’amnésie apparait généralement lorsque le taux d’alcoolémie atteint 0,15 à 0,20 g/L d’alcool dans notre sang. On est bien loin du 0,08 pour conduire mais pourtant, qui n’a pas déjà pris son véhicule avec un vague souvenir de la route et des remords le lendemain? Non seulement l’alcool entraîne-t-il des effets indésirables sur le corps et l’esprit mais aussi des comportements dangereux pour nous et pour les autres.

Les mécanismes neurochimiques impliqués dans l’encodage et la consolidation de l’information sont perturbés par une consommation excessive d’alcool. Rappelons-nous que l’alcool est un tranquillisant qui ralentit ou endort certaines activités de notre métabolisme. L’hippocampe de notre cerveau est une structure particulièrement sensible à l’alcool, qui a justement tendance à se reposer un peu trop quand les verres de vin coulent à flot. Il devient dysfonctionnel ou temporairement hors d’usage, tout comme d’autres systèmes liés à notre mémoire. Nous vivons le moment sur un pilote automatique avec des souvenirs égarés qui, malheureusement, sont irrécupérables. Il n’y a pas de disque dur caché au fond de notre cerveau, seulement de bons amis pour nous donner leur version des faits ou, parfois, des séquences vidéos filmées à notre insu. Je pourrais vous en dire long là-dessus…

Les femmes seraient plus vulnérables par rapport aux black-outs que les hommes en raison de leur corpulence, cycle prémenstruel/ovulatoire et masse graisseuse qui ne permet pas une aussi bonne absorption de l’alcool. De plus, les personnes avec un IMC bas, avec des prédispositions génétiques ou consommatrices de tabac ou de drogues seraient également plus à risque de black-outs.

Autre fait intéressant, les black-outs sont un symptôme d’intoxication légère ou avancée. Le fameux « buzz » ressenti après plusieurs verres est lui aussi un signe que le foie ne réussit plus à traiter l’alcool ingéré et que l’excédent (la substance toxique pour nous) atteint le cerveau, le cœur, les muscles et les tissus du corps. Quand j’ai compris que ce « buzz » que je recherchais à tout prix, en ingurgitant une à deux bouteilles de vin par jour, était en réalité le résultat d’un empoisonnement que je m’infligeais, ce fût une immense révélation pour moi.

En me choisissant avec le programme Ensobre Ta Vie et en décidant d’arrêter de prendre de l’alcool, les black-outs ont non seulement cessé mais j’ai aussi retrouvé une meilleure capacité de concentration et un esprit plus lucide. Ma fille ne me teste plus avec ses mots à me rappeler le lendemain et je peux maintenant être à 100 % présente avec elle et les personnes que j’aime, avec une « enregistreuse » de nouveau fonctionnelle pour garder mes précieux souvenirs en lieu sûr. Terminées les angoisses à me demander si j’ai commis une gaffe la veille, je me lève sobre et fière de ne plus mettre de brume dans mon esprit.

Paule